8.2.13

Du cuivre pour lutter contre les infections à l’hôpital


L’utilisation de ce métal aux vertus antimicrobiennes dans la robinetterie, les poignées de portes et autres éléments de mobilier, pourrait permettre de limiter les infections nosocomiales.
Ouvert en janvier, le centre intergénérationnel multi-accueil (Cigma) de Laval, en Mayenne, fait le choix du cuivre:260 mètres de mains courantes et 200 paires de poignées de porte en métal précieux en lieu et place de l’inox ou du PVC traditionnels. Rien à voir avec un quelconque caprice : le gestionnaire de cet établissement d’hébergement de personnes âgées, qui fait également office de crèche, souhaite ainsi protéger ses pensionnaires contre les bactéries. L’idée lui vient d’Angleterre. En 2006, l’université de Southampton publie en effet une étude dans laquelle elle démontre les propriétés antimicrobiennes du cuivre. Plus de 99% des principales bactéries, même très résistantes aux antibiotiques, meurent en moins de deux heures sur une surface cuivrée ou en alliage de cuivre. Or une grande partie des infections contractées dans les établissements de soins, dites nosocomiales, sont liées à ces bactéries qui se transmettent par contact, d’une surface quelconque à la main puis à la bouche, aux organes sexuels ou aux plaies. En France, plus de 5% des patients sont touchés et plus de 4000 en meurent chaque année selon une estimation de l’office parlementaire d’évaluations des politiques de santé.
Lundi, quelques jours avant la journée mondiale sur la résistance bactérienne organisée le 7 avril par l’Organisation mondiale de la santé, l’université a réalisé, en partenariat avec l’Institut européen du cuivre, une expérience impressionnante diffusée en direct sur Internet. La quasi intégralité des 10 millions de staphylocoques dorés résistants à la méticilline (un antibiotique courant) déposés sur un morceau en cuivre d’un cm2 sont tués en moins de huit minutes. Sur une surface témoin en inox, les bactéries continuent au contraire à se développer. «Les ions cuivres en surface sont intégrés dans le métabolisme des microbes et conduisent à la formation de molécules qui viennent perturber leur respiration», explique au figaro.fr le microbiologiste Bill Keevil, microbiologiste à Southampton et pionnier de ce domaine de recherche.
Après les premiers travaux encourageants menés en 2006, des chercheurs mènent dès l’année suivante une expérience in situ de 18 mois à l’hôpital de Birmingham. Essai réussi : les éléments en cuivre (poignées, plaques métalliques, etc.) présentent globalement entre 90 et 100% de micro-organismes en moins par rapport aux surfaces analogues en inox à la fin de la journée (résultats publiés dans The Journal of Hospital Infection). Une étude similaire menée au Chili donne des résultats approchants. D’autres expériences sont en cours en Allemagne, en Grèce, en Afrique du Sud et au Japon.
Pour le moment, aucun résultat sur le bénéfice direct pour les patients n’a été publié. Aux Etats-Unis, où les propriétés microbicides de 282 alliages en cuivre ont été reconnues par les autorités depuis 2008, les scientifiques regardent si l’utilisation de ces matériaux dans le mobilier permet effectivement de limiter le nombre d’infections. «Nous attendons les premiers résultats en mai et en juin», confie le directeur du centre d’information sur le cuivre Olivier Tissot, très optimiste sur leur nature. D’après lui, les autorités sanitaires françaises attendent justement ces résultats pour réfléchir à d’éventuelles recommandations tout en soulignant que l’utilisation de cuivre ne remplacera jamais les mesures actuelles d’hygiène (se laver les mains entre chaque patient, etc.).
Une frilosité bien compréhensible : cette nouvelle piste de lutte contre les infections, aussi encourageante soit-elle, a un coût. Le Cigma de Laval, premier établissement en France à expérimenter le cuivre, a déboursé 35.000 euros pour ses équipements novateurs. Autant dire que remplacer tous les éléments métalliques des lits, des brancards, des portes battantes ou encore des stéthoscopes et des cuvettes de toilettes dans les hôpitaux représenterait un investissement considérable. 
Le Figaro Mai 2011